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Le langage, reflet de l'âme d'un peuple
Avertissement : Ce qui suit ne représente que des considérations issues d'une analyse philologique personnelle. En conséquence, je ne garantis en rien son exactitude...
Deux notions essentielles caractérisent une langue : celle de l'être et celle de l'avoir.
En français, l'être correspond à deux concepts précis dont le sens est proche, mais offrant tout de même une nuance : la personne physique et l'état dans le temps. L'avoir, quant à lui, correspond à la possession ou à l'attribution d'un état.
A ces deux points se rajoute la notion de l'expression du temps.
Si cette notion peut, en général, se retrouver au travers de l'être, elle se trouve directement induite par les différentes formes de conjugaison.
Afin de faciliter la compréhension du discours, je désignerai sous le nom de Occident et Occidental les éléments issus des cultures grecques et latines.
En français, l'être s'exprime sous les trois formes de temps : présent, passé et futur.
En russe, l'être semble ne pas exister au présent...
Lorsque j'ai commencé à étudier la langue russe, cette absence de forme du présent, m'a intriguée car, je le répète, cette notion est primordiale pour comprendre la forme de pensée, et donc la culture profonde d'un peuple.
J'envisageais plusieurs hypothèses pour expliquer ce fait :
1° une notion d'efficacité :
Il n'est pas nécessaire de l'exprimer car nos différents sens nous permettent de juger de l'existence d'un être ou d'une chose dans l'instant présent !
Je vois, donc c'est !
Je sens, donc c'est !
Je touche, donc c'est !
etc.
2° Une notion de perception du temps :
Le temps est une notion très subjective. Selon l'événement, la même durée peut paraître très brève comme très longue : une minute de torture n'est pas ressentie de la même manière qu'une minute de caresses !
Cependant, le temps présente une constante contextuelle : la différenciation Passé - Présent - Futur.
Cette constante peut se résumer par cet axiome : "Le futur devient présent et celui-ci, immédiatement, devient passé..."
En conséquence, sur un plan mathématique, seule l'échelle de valeur (la quantification en heures, minutes, secondes, ou autres) permet d'émettre une probabilité d'existence du présent !
L'esprit Slave pouvait donc envisager le fait que, vu la brièveté évidente du moment présent, il était inutile de l'exprimer...
J'avais posé la question à une de mes clientes, un professeur d'université russe vivant en France. Elle m'avait dit que cette question la dépassait et qu'elle allait se renseigner... je n'ai jamais eu la réponse...
En fait, la réponse à cette question purement philologique peut tenir compte des deux éléments précédents, auquel se rajoutera un troisième : la notion du divin.
Les grammaires russes antérieures à 1917, mentionnent l'existence de la conjugaison du verbe être au présent. Or, il s'avère que cette conjugaison ne s'utilise que dans la liturgie.
Il est donc légitime d'en conclure que la notion de présent, dans la culture Slave, ne s'applique qu'au divin car seul Dieu est éternel... Et que, de même, la fugacité de la vie est ancrée dans l'âme de chaque Slave : il aurait une conscience profonde que, sur terre, rien n'est éternel !
Les bases de la pensée occidentale reposent sur les philosophies d'Aristote et Platon... La notion de temps est calquée sur cette devise : carpe diem, littéralement cueille le jour, et qui se traduit, dans sa notion philosophique, par profite de l'instant présent.
Ceci induit donc le présent comme une période de temps dont la valeur initiale est variable...
Cette notion fondamentale de la pensée occidentale nous place donc à l'opposée de la pensée russe :
Pensée russe : Le présent ne peut exister que sous une forme divine et n'a donc aucune durée perceptible.
Pensée occidentale : Le présent est considéré comme une période de temps comprise entre le début et la fin d'une action.
Дальше:
L'ÊTRE, sous sa forme auxiliaire :
Cette forme n'est pas usitée en russe. Son équivalent se retrouvera, dans certains cas, dans la forme pronominale des verbes (-ся).
En français, l'auxiliaire être pourra être utilisé pour rendre pronominal un verbe ou une expression verbale, mais il sera, dans la majorité des cas, utilisé dans les formes de conjugaison. Il servira également à indiquer la possession de l'état ou des sentiments : Je suis malade (Я болен), Je suis amoureux (Я влюблен). Il est donc comparable à l'usage des participes passifs à forme courte, en russe (radical présent du verbe + ен -на).
La traduction littérale de ces participes, en français, se fera en employant l'auxiliaire au gérondif ou, si une préposition est accolée, l'infinitif : Болить - Я болен - (je) étant malade, Любить - Я влюблен - (je) étant dans l'amour.
En conséquence, aucune différence culturelle n'est présente dans ce cas. Seul le mode d'expression linguistique diffère. En effet, le participe, en russe, définit un état rattaché au sujet, tandis que, en français, c'est l'emploi de l'auxiliaire qui le fait.
Les langues occidentales utilisent fréquemment l'auxiliaire avoir pour qualifier des états. Ce même auxiliaire, peut également être utilisé sous sa forme purement verbale et exprimera alors la possession : il pourra être directement remplacé par le verbe posséder...
L'utilisation de la forme auxiliaire fait apparaître une forme de rattachement de possession, plus ou moins matérialiste, des sensations ou des sentiments.
En russe, le rattachement de ces états se fera avec у меня, у тебя, etc. ce qui forme un rattachement au sujet, et non-pas une possession.
Ici aussi, nous trouvons donc une différence fondamentale entre les pensées russes et occidentales :
Pensée russe : une sensation ou un sentiment s'est invité chez moi.
Pensée occidentale : une sensation ou un sentiment m'appartient.
A ce point de l'analyse, nous pouvons déjà nous rendre compte des différences fondamentales présentes dans les âmes Slaves et occidentales :
Le Slave a conscience de son existence, mais celle-ci fait partie d'un tout à connotation spirituelle : "J'existe par la grâce de Dieu, et c'est lui qui amène à moi l'ensemble des événements, sentiments ou états dans ma vie".
L'occidental se considère avant tout comme un être unique possédant la terre : "Je suis un être humain ; je suis donc supérieur. Toutes les composantes de la terre m'appartiennent et doivent être à mon service. De plus, je dois avoir la priorité par rapport à mes semblables".
La dernière différence culturelle fondamentale se situe dans l'expression du mouvement.
La pensée occidentale ne fait aucune différence entre les différents moyens utilisés pour les déplacements : que ce soit à pieds, en voiture, en avion, etc. le verbe "aller" est toujours utilisé. De même, aucune différence n'est faite sur la réitération ou pas de cette action. Pour exprimer ces nuances, soit on rajoute des informations explicites, soit le contexte de la phrase le fera comprendre.
Cette différence semble directement liée à une réalité historique : l'abolition du servage. En effet, le serf ne se déplaçait qu'à pieds, alors que l'homme libre pouvait utiliser un carrosse ou un cheval.
Le servage, en France fut aboli officiellement le 8 août 1779, mais dans les faits, il n'existait plus depuis la fin de la "guerre de cent ans" (1453). La langue Française a subit une évolution très importante à partir des années 1650, ce qui fait que ces nuances sur les déplacements ne pouvaient être prises en compte car elles ne reposaient sur rien.
En revanche, dans Les Russies, Grande Russie, Petite Russie (Ukraine) et Russie blanche (Biélorussie), son abolition officielle ne fut édictée que le 19 février 1861 et il n'avait disparu de fait, que depuis très peu de temps. La grande évolution de la langue russe, elle, avait commencé vers 1750, soit un siècle auparavant...
Nous voici arrivés au terme du descriptif de ces différences fondamentales entre l'âme Slave et l'âme Occidentale...
Qu'en est-il dans les faits à ce jour ?
Traditionnellement, le Slave reste attaché à la mère patrie, à sa culture et à ses traditions... C'est pourquoi, lorsque ceux-ci sont menacés, quel que soit le régime politique, un front commun s'élève contre l'envahisseur !
C'est ainsi que, lors de la rupture du pacte germano-soviétique, en 1941, Staline a fait un vibrant discours appelant les peuples de toutes les Russies à faire front, face à l'invasion. Cependant, il n'a pas demandé ce sacrifice au nom du socialisme en danger, mais au nom de la mère patrie en danger !
Jamais personne, quelques mois auparavant, n'aurait pu imaginer entendre ce type de discours de sa part !
Je me plais à penser que ce n'était pas Staline qui parlait ce jours là, mais Joseph Vissarionovitch Djougachvili...
Je pense que si un sondage était effectué aujourd'hui auprès des jeunes Slaves, quasiment aucun n'avouerait être capable de se sacrifier pour sa patrie, mais je suis persuadé que, dans les faits, ils le feraient...
Traditionnellement, le Français, tout comme le Slave, est attaché à sa patrie. Mais, cet attachement est lié au rayonnement de ce pays, et pas à la terre elle-même. Cependant, nous ne sommes plus désormais qu'une "majorité silencieuse" à y rester attaché. Le même sondage auprès des jeunes français, à mon avis, donnerait les mêmes résultats qu'en Ukraine ou en Russie, mais ceci serait la réalité...
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